Symbolisme

Mouvement littéraire de la fin du XIXesiècle qui mit l'accent sur la valeur suggestive du langage, seule apte à déchiffrer l'univers considéré comme « le symbole d'un autre monde ». En 1886, Jean Moréas publia dans le Figaro un article généralement considéré comme l'acte de naissance du symbolisme (« Manifeste du symbolisme »).

Bien que sa portée théorique soit plutôt restreinte, ce texte eut l'avantage de fédérer des écrivains en recherche, dont les visées étaient parfois fort différentes. Cependant, même après l'article de Moréas, la définition du symbolisme resta floue, bien que ce courant corresponde à l'aspiration commune de plusieurs poètes qui prétendaient entrer en contact avec le sens caché de l'univers par l'intermédiaire du symbole. Quoi qu'il en soit, cette sensibilité commune donna lieu à l'une des expressions les plus abouties du sacré en littérature. Les principaux précurseurs français du symbolisme furent les poètes Gérard de Nerval (« Je crois que l'imagination humaine n'a rien inventé qui ne soit vrai ») et Charles Baudelaire avec sa théorie des « correspondances ».

Le malaise profond ressenti par les écrivains de la fin du XIXesiècle est aussi à l'origine de ce mouvement de rejet absolu. Contre la poésie descriptive du Parnasse, contre le naturalisme de Zola et le réalisme de Flaubert, ou encore contre le romantisme social de Hugo, les symbolistes proclamèrent l'existence d'un autre monde masqué par le monde sensible, qu'il leur appartenait de déchiffrer. De fait, s'il est vrai que le courant symboliste s'inspira du romantisme allemand et du préraphaélisme anglais, il trouva en France parmi les « décadents » et les « hermétiques », héritiers de l'illuminisme de Nerval, ses plus grands instigateurs. Des écrivains tels Huysmans, Verlaine, Villiers de l'Isle-Adam, Charles Cros (ces deux derniers nourris respectivement de la lecture de Hegel et de Schopenhauer), ou encore, Jules Laforgue, par leur liberté de langage, leur génie de la suggestion et leur sens du rythme et des sonorités, renouvelèrent le fond et la forme des genres poétique et narratif.

Dès 1880, les mardis du salon littéraire de Stéphane Mallarmé consacrèrent ce climat spirituel, en présidant à l'initiation des nouveaux adeptes de la beauté. Alors que les mouvements de Jean Moréas (le « romanisme ») et Charles Maurras (le « naturisme ») s'éloignaient progressivement du symbolisme au profit d'un néoclassicisme hellénisant, Mallarmé s'attacha à définir l'esthétique idéaliste du nouveau courant dans un article (« Divagations », 1897) et dans l'avant-propos au Traité du verbe de René Ghil (1886). Remy de Gourmont, les poètes Laurent Tailhade, Gustave Kahn (l'inventeur du « vers libre »), Henri de Régnier, Vielé-Griffin, les belges Verhaeren et Maeterlinck, mais aussi le jeune André Gide (André Walser, 1891) furent d'ardents symbolistes.

Bien que la poésie et le roman soient leurs modes d'expression privilégiés, les symbolistes s'emparèrent progressivement de la scène, avec des pièces de Maurice Maeterlinck (l'Intruse, 1890 ; Pelléas et Mélisande, 1892), de Paul Claudel (Tête d'or, 1890), de Villiers de l'Isle-Adam (Axel, 1894) ou encore de Saint-Pol Roux (la Dame à la faulx, 1899). Français à l'origine (du moins en tant que mouvement), le symbolisme prit bientôt une dimension internationale, et s'enracina plus particulièrement en Russie (Balmont, Blok), en Angleterre (Oscar Wilde), en Belgique (Rodenbach), et même en Amérique latine (Rubén Dario).

Ainsi, pour la première fois dans l'histoire de la littérature, un mouvement esthétique prit la dimension du monde moderne, étendant ses ramifications jusqu'au Japon où la publication, en 1905, d'une anthologie des auteurs symbolistes français conduisit certains poètes nippons à envisager de nouvelles règles prosodiques. D'ailleurs, les apports du symbolisme, qui marqua incontestablement de son empreinte les théories surréalistes, continuent de se faire sentir aujourd'hui encore chez un certain nombre d'écrivains de tous les pays.