nicomède

Pierre Corneille

1651

 

> ACTE PREMIER. D'une confidence à l'autre : intrigues de palais.

Nous sommes à la cour de Prusias, roi de Bithynie, au deuxième siècle avant J.-C., peu de temps après Ici mort d'Annibal, qui y avait cherché refuge. Prusias a deux fils : d'un premier mariage, Nicomède, disciple d'Annibal et glorieux capitaine-, d'Arsinoé, sa seconde femme, intrigante ambitieuse qui règne à la Cour et domine son mari, il a eu un second fils, Attale, élevé à Rome, d'où il est revenu récemment tout gorgé de sa nourriture. La jeune reine d'Arménie, Laodice, se voit retenue à la cour de Prusias, à qui son père l'a confiée. Nicomède et son demi-frère en sont amoureux, mais c'est le fils aîné du roi qu'elle aime. Nous les trouvons tous deux en conversation, Nicomède a quitté brusquement, sans la permission du roi, l'armée qu'il commande pour venir s'exposer seul et désarmé aux dangers et aux ennemis qui le guettent à la Cour, où il fait trop de jaloux. Laodice blâme son imprudence : la reine déteste son beau-fils et elle est prête à tout pour assurer le pouvoir à son propre fils, aidée par l'ambassadeur de Rome, Flaminius. Nicomède répond que son armée n'est pas plus sûre pour lui : la reine Ici sème d'assassins chargés de le tuer. Il les a arrêtés, et vient confondre sa marâtre et obtenir justice. Laodice, rendue à ses raisons, jure de lutter et de périr, s'il le faut, avec lui (scène première). Attale renouvelle ses déclarations d'amour pour Laodice. Elle le re pousse avec un dédain railleur. Nicomède, qui assiste à l'entretien et a l'avantage de n'être pas connu de son demi-frère, S'amuse, en se mêlant à l'entretien avec ironie, à piquer et à embarrasser Affole, qui finit par s'emporter (scène 11). Arsinoé survient et feint la surprise en voyant Nicomède. Elle échange avec lui des paroles hautaines et menaçantes. Attale est confus et demande à Nicomède d'excuser son attitude. Nicomède l'invite à se mesurer à lui loyalement pour la conquête de Laodice, sans l'appui de Rome ni celui du roi, et il se retire. Arsinoé envoie Attale vers Flaminius. La reine, restée seule avec sa confidente Cléone, lui explique ses desseins les plus secrets : elle n'a pas voulu tuer son beau-fils; c'est elle qui, par de faux assassins, a provoqué le retour de Nicomède pour l'enlever à son armée; elle espère qu'il se perdra en bravant le roi et Rome en la personne de son ambassadeur. Ainsi, le trône et Laodice resteront libres pour son fils (scène V).

> ACTE II.: D'une influence à l'autre : un fils trop dangereux.

Prusias se plaint et s'irrite du retour de son fils comme d'une désobéissance du prince, rendu orgueilleux par ses victoires. Il expose à son capitaine des gardes, Araspe, le piège qu'il va tendre à Nicomède : son fils recevra l'ambassadeur romain, qui demande audience, et lui fera réponse. Prusias n'est que trop disposé à se débarrasser d'un fils si puissant;' il laisse voir à son confident combien la reconnaissance lui pèse; et Araspe, vendu à Arsinoé, tout en feignant de rassurer le roi, attise ses griefs contre le prince (scène première). Prusias accueille fort mal Nicomède, malgré le respect avec lequel il se présente à lui; puis il feint de s'apaiser et tend le piège à son fils. Nicomède y tombe et accepte de répondre pour le roi à Flaminius (scène 11). Flaminius, au nom du sénat romain, demande pour Attale une couronne. Nicomède réplique chaudement : il oublie qu'il est le fils de Prusias pour se souvenir seulement qu'il est l'élève d'Annibal. Pourquoi les Romains se mêlent-ils de distribuer des diadèmes? Il s'emporte, il outrage Flaminius. Ce dernier répond que Nicomède craint a tort pour sa couronne héréditaire : Attale sera roi en épousant la reine d'Arménie. Ce coup n'effraie point Nicomède : Laodice est reine et libre de choisir son époux. Là-dessus, il met fin à l'entretien sur un ton ferme et menaçant (scène 111). Prusias, pour complaire à Flaminius, décide d'intervenir directement auprès de la jeune reine. Le roi présentera l'ambassadeur, qui fera la demande.

> ACTE III. Une âme soeur. La révélation d'une ame naïve mais généreuse.

Prusias essaie en vain de faire pression sur Laodice pour qu'elle épouse Attale : c'est à ce prix qu'elle entrera en possession du trône d'Arménie; Rome le veut ainsi. Il prend l'occasion de parler haut (scène première). Flaminius demeure seul auprès de Laodice, qui n'écoute pas plus favorablement ses conseils amicaux. Il a beau vanter les avantages d'une alliance avec Rome, il ne s'attire que refus et railleries (scène 11). Nicomède, qui survient, renvoie l' « empoisonneur d'Annibal » sans lui ménager les outrages. Puis il annonce à Laodice qu'il a dénoncé le complot d'Arsinoé à son père. La jeune reine s'inquiète avec beaucoup plus de clairvoyance que son amant. Laodice, se retire, car Attale paraît. Elle le laisse en tête à tête avec Nicomède. Nicomède reproche à son frère de ne pas tenir sa parole et de faire appel à la protection des Romains et du roi; Attale se défend avec esprIt. Araspe et Arsinoé viennent chercher Nicomède de la part de Prusias; c'est l'occasion entre le beau-fils et la belle-mère d'une altercation rapide et piquante. Nicomède s'éloigne (scène Vil). Arsinoé annonce à Attale la perte où court son frère. Attale, exprimant des scrupules, hésite à suivre sa mère jusqu'au bout.

> ACTE IV. L'intrigue triomphe.

Devant le roi, Arsinoé joue la comédie de l'innocence calomniée. Par ses soupirs et ses pleurs, elle attendrit le vieux Prusias. Enhardie par ce premier succès, elle joue maintenant la comédie du pardon et demande la grâce de. ce beau-fils ingrat. Nicomède repousse dédaigneusement cette aide et oppose à cette fourberie la longue liste de ses services et la raillerie la plus hautaine. Le malheureux père est bien convaincu que sa femme est innocente et que Nicomède a imaginé ce complot pour perdre Arsinoé. Nicomède a beau être admirable de présence d'esprit comme de fierté, soutenir qu'un homme comme lui avait la possibilité de se venger en soulevant ses troupes, non en calomniant une femme, il lutte en vain contre les événements plus forts que lui, contre ce tribunal où siège un juge hostile. Toutefois, le supplice qu'il demande, pour les deux traîtres, Métrobate et Zénon, embarrasse fort Arsinoé, qui doit pousser à bout sa comédie et se retire en effrayant son faible époux avec une habileté consommée (scène 11). Prusias, qui veut ménager ses intérêts et se tranquillité, cherche une transaction qui l'accommode avec tous. Il met en demeure son fils de choisir entre Laodice, et l'héritage paternel. Nicomède refuse ce choix imposé, car son père n'est pas mort, et Laodice, est libre. Prusias est irrité de cette résistance (scène 111). Flaminius entre alors, et Prusias, par une brusque décision, annonce qu'Attale sera seul héritier, et il fait arrêter Nicomède pour le remettre en otage à Rome. Attale, resté seul avec Flaminius, voit Rome l'abandonner. L'ambassadeur lui fait comprendre que Rome ne permettra pas la réunion de l'Arménie et de la Bithynie, et lui ordonne de renoncer à Laodice, Attale, alors, voit clair dans les intentions de Rome. Il a enfin les yeux dessillés (scène V). Attale est seul; il comprend tout. Il n'est que le jouet de Rome. Déçu par la dure politique romaine, il préfère se donner pour maître ce frère qu'il admire : il sauvera Nicomède (scène VI).

> ACTE V. La générosité triomphe.

Le peuple s'est soulevé en apprenant le sort de Nicomède. Arsinoé en est peu émue et se montre plus soucieuse de la passion tenace d'Attale pour Laodice. Mais Attale montre clairement à Arsinoé qu'il ci compris toute la perfidie des combinaisons romaines. Il feint de se rendre aux raisons de sa mère (scène première). Flaminius annonce que la révolte augmente. Il s'en inquiète et demande qu'on prenne rapidement des mesures pour y remédier. Prusias entre et accuse les gens de Laodice d'avoir soulevé le peuple. Cléone apporte des nouvelles alarmantes : le peuple vient de massacrer Métrobate et Zénon, les complices d'Arsinoé, et demande à grands cris Nicomède. Araspe entre à son tour. Il ne répond plus de son prisonnier. Prusias songe à jeter à la foule la tête de ce fils dangereux. Mais Flaminius lui rappelle qu'il est désormais l'otage de Rome, et il le réclame. Sur les conseils d'Arsinoé, on décide que Flaminius emmènera son prisonnier par une porte secrète, pendant que le roi amusera le peuple. Attale va agir de son côté : ses propos sont énigmatiques (scène V). Laodice, qui ignore ce qui vient de se comploter et croit au triomphe de Nicomède, arrive en traitant Arsinoé avec hauteur; celle-ci, persuadée que Nicomède est perdu, répond avec non moins de hauteur. Elle annonce à sa rivale l'enlèvement de son amant. Laodice éclate en transports d'indignation et jure qu'elle ira jusqu'à Rome arracher Nicomède aux Romains. Mais tout change soudain : Attale, de retour, annonce qu'Araspe a été tué et que Nicomède s'est échappé. Prusias et Flaminius ont pris le large (scène VII). Prusias et Flaminius reparaissent : ayant renoncé à fuir, ils reviennent auprès d'Arsinoé, qui, désespérée, veut mourir. Mais Laodice promet à tous la générosité du vainqueur. En effet, Nicomède rentre au palais après avoir calmé le peuple et offre un pardon général et généreux. A qui doit-il la liberté? Attale tend à son frère l'anneau prouvant que c'est lui-même qui a voulu se racheter auprès de ce frère qu'il admire. La générosité de Nicomède dissipe toutes les discordes, et l'alliance loyale qu'il offre à Rome satisfait un Prusias toujours aussi soumis au prestige romain (scène IX).