Histoire grecque

Histoire grecque

 

Les premiers temps du monde égéen

L’époque préhellénique

Les traces les plus anciennes d’occupation humaine en Grèce remontent au Paléolithique. D’autres vestiges indiquent qu’au Néolithique, vers 4000 av. J.-C., les populations se sédentarisèrent, développèrent l’agriculture, augmentèrent en nombre et occupèrent un espace plus étendu ; différents vestiges (notamment de l’obsidienne provenant de Milo) attestent de l’existence de relations maritimes dans les Cyclades.

À l’âge du Bronze, vers 2000 av. J.-C., plusieurs civilisations s’épanouirent simultanément dans le monde égéen. En Crète, la civilisation minoenne, dont on ne sait que peu de choses, se développa dans le cadre de palais (comme à Cnossos, Phaïstos, Mallia, Zakros). Florissante, cette civilisation qui mit au point trois systèmes d’écriture disposait d’artisans qualifiés et se diffusa dans l’ensemble du bassin méditerranéen, jusqu’en Égypte et en Syrie. Dans les Cyclades, la civilisation dite cycladique s’épanouit sous l’impulsion de populations allogènes (les Minoens) qui introduisirent l’usage du métal et contribuèrent à la mise en place d’une société hiérarchisée couronnée par une caste aristocratique. Dans le Péloponnèse, la civilisation helladique (2500-1100 av. J.-C.) coïncida avec une période d’essor démographique et se caractérisa surtout par l’apparition de nouveaux rites funéraires, vraisemblablement sous l’influence d’un peuple récemment implanté, les Hellènes.

À la fin du IIIe millénaire av. J.-C. commença une période de lentes migrations de peuples venus des régions danubiennes et parlant une langue indo-européenne. Ils pratiquaient l’agriculture et l’élevage, utilisaient le cheval et introduisirent l’emploi d’outils et d’armes en cuivre ou en bronze, ainsi qu’une céramique particulière qui portait le nom de « minyenne ». Entre 2000 et 1600 av J.-C., trois groupes se succédèrent : les Ioniens, qui occupèrent l’Attique et les Cyclades ; les Éoliens, qui s’établirent en Thessalie ; les Achéens, le groupe le plus important, qui s’installèrent dans le Péloponnèse.

La civilisation mycénienne

Dans la dernière phase de l’âge du Bronze (v. 1600-1200 av. J.-C.), les Achéens donnèrent naissance à la civilisation mycénienne, qui doit son nom à la cité-royaume de Mycènes, où de nombreux vestiges archéologiques furent découverts, notamment par l’Allemand Heinrich Schliemann au XIXe siècle. Les Mycéniens, qui occupèrent le Péloponnèse, la Béotie, l’Attique, ainsi que la Crète, après le mystérieux effondrement de la civilisation minoenne, furent à l’origine de la fondation de différents royaumes, également organisés dans le cadre de palais ou de forteresses, gouvernés par un roi, comme à Tirynthe ou à Pylos. Hiérarchisée, leur société reconnaissait l’existence juridique de communautés villageoises ; les terres étaient d’ailleurs réparties selon plusieurs statuts. Un puissant clergé était au service d’une religion élaborée et jouant un rôle important ; l’existence de divinités comme Zeus, Héra, Poséidon, Artémis, Hermès et d’autres qui nous sont moins familières, est attestée. Les tombes mises au jour, recelant souvent de véritables trésors, témoignent de la vitalité et de la richesse de cette civilisation.

Peuple de commerçants, mais aussi de pirates et de guerriers, les Mycéniens sont peut-être à l’origine de la destruction de Troie, décrite par Homère dans l’Iliade.

La fin du monde mycénien

La destruction extrêmement brutale des villes et des palais mycéniens et la disparition, à la fin du XIIe siècle av. J.-C., de la civilisation mycénienne ont longtemps été expliquées uniquement par l’arrivée d’une dernière vague indo-européenne : celle des Doriens. En fait, d’autres événements ont pu intervenir, comme des bouleversements sociaux qui auraient affaibli les classes dirigeantes ou des changements climatiques qui auraient désorganisé l’agriculture — ces différents facteurs ne s’excluent d’ailleurs pas les uns les autres.

Entre la période d’effondrement de cette civilisation et l’émergence des cités, nouvelle forme d’organisation politique, s’écoulèrent quatre siècles, dont on sait fort peu de choses.

Au XIe siècle, plusieurs innovations comme la fabrication de céramiques à décors géométriques, l’utilisation du fer en remplacement du bronze ou encore la pratique de l’incinération, plutôt que celle de l’inhumation, apparurent. Ces innovations ont été longtemps attribuées aux Doriens puisqu’elles sont concomitantes à leur arrivée ; il n’y a cependant aucune preuve que les deux événements soient liés. Cette époque fut également marquée par d’importants mouvements migratoires, ainsi, des Grecs, vraisemblablement poussés par les invasions, émigrèrent pour s’établir dans les îles de la mer Égée et le long des côtes asiatiques. La Béotie, la Thessalie, l’Asie Mineure et l’île de Lesbos étaient occupées par les Éoliens ; les Doriens étaient concentrés dans l’isthme de Corinthe, dans le Péloponnèse, en Crète et à Rhodes ; enfin, les Ioniens étaient installés en Attique, en Eubée et dans les Cyclades.

Au cours des IXe et VIIIe siècles — période qui nous est surtout connue par les récits d’Homère et d’Hésiode — furent mis en place certains des traits qui allaient distinguer l’époque archaïque à venir : ainsi, parallèlement à la redécouverte de l’écriture et à la renaissance d’une vie religieuse, émergèrent des structures sociales (très petites unités territoriales dirigées par un basileus, un roi, c’est-à-dire celui qui possédait le plus riche domaine, avec des classes sociales allant des nobles, principaux compagnons du roi, aux esclaves, exclus de toute vie politique et de l’armée) et un système de valeurs (fondé sur l’hospitalité et le courage), caractéristiques d’une culture grecque commune.

Durant la seconde moitié du VIIIe siècle, la Messénie, située dans le sud-ouest du Péloponnèse, fut envahie par les Spartiates, qui progressivement s’installèrent dans toute la région.

La période archaïque

 

La naissance de la cité

Les vagues de colonisation repoussèrent les limites du monde grec en Espagne, en Italie du Sud, en Thrace, en Chalcidique, sur la côte africaine, en Égypte, en Asie Mineure et au Pont-Euxin (mer Noire).

Parallèlement, des changements politiques intervinrent. La date d’apparition des premières cités varie selon les historiens, mais il est certain que celles-ci existaient au VIIIe siècle. Le terme de « cité » (polis) désignait une communauté indépendante, dotée de ses propres institutions. Elle vivait sur un territoire groupant un espace rural, avec des villages, et un espace plus ou moins urbanisé. Toutes les régions de Grèce ne connaissaient pas cette forme d’organisation, et c’est sur la côte ionienne qu’elle semble être apparue en premier. L’organisation sociale de la cité reposait essentiellement sur des citoyens-soldats.

L’évolution politique et sociale des cités grecques pendant la période archaïque est mal connue. Les monarchies furent progressivement remplacées, entre le XIe et le VIIe siècle av. J.-C., par des oligarchies. Le pouvoir passa donc aux mains des chefs des grandes familles nobles qui détenaient la terre, et par conséquent la richesse et les armes. Ils choisissaient parmi eux des magistrats temporaires, appelés archontes à Athènes ou éphores à Sparte.

Aux VIIe et VIe siècles av. J.-C., l’aristocratie dut affronter de graves troubles liés à des problèmes économiques et sociaux (augmentation du nombre de paysans sans terre, mécontentement d’une classe marchande née avec la colonisation qui réclamait des droits politiques). Certaines cités, comme Athènes avec Solon et Dracon, firent alors appel à des législateurs, d’autres eurent recours à des aristocrates locaux, souvent chefs de guerre, appelés tyrans.

La tyrannie

Les tyrans, bien qu’issus de l’aristocratie, gouvernèrent sans les nobles, et parfois même contre eux. Certains se révélèrent des dirigeants avisés et accrurent la puissance de leur cité, à l’instar de Polycrate (qui régna approximativement en 535-522 av. J.-C.), à Samos. Mais les régimes tyranniques ne purent résister à la volonté des citoyens d’obtenir de véritables responsabilités politiques.

La période de la tyrannie (v. 650-500 av. J.-C.) correspondit à une ère d’essor culturel et économique. Les échanges commerciaux, en particulier par la voie maritime, se multiplièrent, et l’usage de la monnaie devint essentiel. Le développement d’activités culturelles communes à toutes les cités grecques fut l’un des grands facteurs d’union dans la Grèce antique, malgré l’émiettement politique, parallèlement à la langue et à la religion. Dans ce dernier domaine, des pratiques, comme les concours (ou jeux) panhelléniques organisés à Olympie, Delphes (jeux Pythiques), Némée et sur l’isthme de Corinthe (jeux Isthmiques), contribuèrent à la prise de conscience par les Grecs de leur appartenance à une même civilisation.

L’émergence d’Athènes

Devenue avec Sparte, entre le VIIIe et le VIe siècle av. J.-C., l’une des cités dominantes de la Grèce, Athènes connut une évolution politique originale. La monarchie héréditaire y fut abolie en 683 av. J.-C. par les nobles, ou eupatrides, issus de la puissante oligarchie terrienne, qui conservèrent le pouvoir jusqu’au milieu du VIe siècle av. J.-C. Les eupatrides étaient les seuls à prononcer le droit et à régler les conflits juridiques, à pouvoir devenir archontes (magistrats nommés par le conseil de l’Aréopage), d’abord au nombre de 6, puis de 9 à partir de 683 av. J.-C., et à détenir les prêtrises. Le peuple était doté d’une Assemblée, l’ecclesia, au rôle très limité puisqu’elle ne pouvait qu’entériner les décisions des archontes. Vers 621 av. J.-C., après l’échec de la tentative de tyrannie populaire de Cylon (632 av. J.-C.), le législateur Dracon codifia et publia les lois d’Athènes, restées célèbres pour leur grande sévérité (« lois draconiennes »), qui, si elles limitèrent le pouvoir judiciaire des nobles, ne purent résoudre la crise économique et sociale qui agitait la cité.

Le second coup majeur porté à la puissance des eupatrides fut les réformes de Solon, qui devint archonte en 594 av. J.-C. L’œuvre constitutionnelle qui lui est attribuée permit de remplacer le privilège de la naissance, par celui de la fortune, pour l’accès aux magistratures et aux charges publiques ; la société fut divisée en quatre classes censitaires, selon le revenu. Le droit de vote et l’égalité de toutes les classes censitaires dans l’ecclesia furent reconnus. La responsabilité politique du citoyen, quel que fût son statut, fut affirmée. La création de la boulê, ou Conseil des Quatre-Cents, chargé de préparer le travail de l’Assemblée du peuple, et l’institution d’un tribunal populaire, l’Héliée, introduisirent les ferments de la démocratie dans la vie de la cité. Dans le même temps Solon abolit les dettes des paysans, résorbant ainsi en partie la crise agraire.

En 560 av. J.-C., le tyran Pisistrate, soutenu par l’aristocratie, s’empara du pouvoir. Son gouvernement et celui de ses fils, Hipparque et Hippias, furent une période de grande prospérité pour la cité, qui s’embellit considérablement. Pourtant, l’ère des Pisistratides, considérés comme des despotes, s’acheva dans la violence : Hipparque fut assassiné et Hippias chassé par une insurrection populaire. Le gouvernement d’Athènes revint alors entre les mains de la noblesse. Mais en 508-509 av. J.-C., Clisthène, membre d’une famille aristocratique, fit adopter une série de mesures fondées sur des principes démocratiques, qui donnèrent un cadre aux institutions athéniennes des Ve et IVe siècles av. J.-C. et font de lui le véritable « père » de la démocratie. Les quatre tribus initiales furent élargies à dix, constituées sur la base d’une division géographique de l’Attique, ce qui introduisit une plus grande égalité entre les citoyens puisque c’était désormais leur lieu de résidence et non plus leur fortune qui leur donnait accès à la vie publique, chaque tribu envoyant 50 représentants à la boulê, devenue Conseil des Cinq-Cents. Des garde-fous furent mis en place pour éviter tout retour à la tyrannie, notamment l’ostracisme — mesure juridique prise par un vote à la majorité simple, qui permettait d’exiler pour dix ans un citoyen jugé dangereux pour la cité. Un grand épanouissement économique et culturel accompagna cette évolution politique.

La période classique

 

Les guerres médiques

 

 

À partir du milieu du VIe siècle av. J.-C., l’émergence de l’Empire perse achéménide de Cyrus le Grand allait constituer une sérieuse menace à l’expansion et à la prospérité du monde hellénique. Après avoir détruit le royaume lydien de Crésus, les Perses s’attaquèrent aux cités ioniennes, et dès 546, ils avaient soumis toute la Grèce d’Asie et les îles côtières, à l’exception de l’île de Samos.

Les guerres médiques, qui se déroulèrent au Ve siècle av. J.-C., réunirent les cités grecques contre l’ennemi commun que constituait l’Empire perse. En 499 av. J.-C., l’Ionie, conduite par Aristagoras et aidée par Athènes et l’Érétrie, se révolta contre la Perse. Vainqueurs dans un premier temps, les rebelles furent matés par Darios Ier le Grand en 494 av. J.-C., qui, après avoir saccagé Milet, rétablit son contrôle absolu sur la région. En 490 av. J.-C., il envoya une importante expédition dans le but de punir les Athéniens pour leur participation au soulèvement, mais ses armées furent écrasées la même année à Marathon.

Athènes, sous la conduite du stratège Thémistocle, décida alors de consolider sa flotte de guerre et de développer le port du Pirée. Mais la menace perse subsistait, et les attaques reprirent, menées par le fils de Darios le Grand, Xerxès Ier. Après une première rencontre dans le défilé des Thermopyles, défendu par le Spartiate Léonidas Ier, une bataille navale se déroula à Salamine, en 480, et fut remportée par Thémistocle et Eurybiade. La défaite totale des Perses eut lieu à Platées, en 479 av. J.-C.

Malgré une nouvelle tentative perse, en 469-468 av. J.-C., sur l’Eurymédon, contrée par l’Athénien Cimon, la paix fut signée par Callias et le roi de Perse Artaxerxès Ier, en 449. Les guerres médiques ont été relatées dans la tragédie écrite par Eschyle, les Perses.

L’apogée d’Athènes

 

Vainqueur incontesté des Perses, Athènes retira un immense prestige des guerres médiques et devint la cité la plus importante du monde égéen. En outre, le conflit avait prouvé l’importance croissante de la puissance navale, car la bataille navale de Salamine avait été décisive. L’armée de Sparte, jusqu’ici la plus grande puissance militaire de Grèce grâce à son armée et l’alliée d’Athènes, perdit sa suprématie au profit de la flotte athénienne.

En 478 av. J.-C., un grand nombre de cités s’unirent au sein de la ligue de Délos, alliance militaire destinée à chasser les Perses d’Asie Mineure. Reposant au départ sur le volontariat, l’appartenance à la ligue, organisation dominée par Athènes, devint rapidement une obligation pour les cités. Les Athéniens exigeaient des tributs de la part des autres cités, transportèrent le trésor de Délos à Athènes et réprimèrent toute tentative d’émancipation : ainsi Naxos, qui essaya de se retirer de la confédération, vit-elle ses fortifications rasées en représailles. Progressivement, la ligue de Délos passa au service de ce qui allait devenir l’« impérialisme athénien ».

Une période de domination politique, culturelle et artistique s’ouvrit pour Athènes, qui atteignit son apogée sous Périclès. Il renforça les institutions démocratiques de la cité, qui fut, grâce au trésor de la ligue, embellie et dotée de nouveaux monuments : la plupart des édifices de l’Acropole datent de cette époque. Athènes rayonnait dans tout le monde antique, tant sur le plan culturel et artistique, avec des auteurs comme Eschyle, Sophocle, Euripide, des philosophes comme Socrate et Platon, des historiens tels que Thucydide et Hérodote, des sculpteurs comme Phidias, qu’économique, Le Pirée étant devenu la plaque tournante du commerce méditerranéen.

La guerre du Péloponnèse et la domination spartiate

La politique extérieure d’Athènes causa sa perte. D’une confédération d’alliés, la ligue se transforma en un empire inégalitaire où les cités qui se révoltaient étaient impitoyablement châtiées. Naxos (470 av. J.-C.), Thasos (465 av. J.-C.), la Béotie (447 av. J.-C), Mégare (446 av. J.-C), l’Eubée (445 av. J.-C), Samos (439 av. J.-C) se soulevèrent ainsi et Sparte, jalouse de la prospérité d’Athènes et désireuse de recouvrer son prestige, en profita. À la tête d’une confédération formée par des cités du Péloponnèse, depuis environ 550 av. J.-C., elle avait les moyens de s’opposer à Athènes. Cependant, une trêve de trente ans fut signée dans un premier temps, en 446.

C’est en 431 av. J.-C. que l’affrontement entre Athènes et Sparte débuta. Le prétexte fut l’aide qu’Athènes apporta à Corcyre (Corfou) au cours d’un conflit entre Corcyre et Corinthe, alliée de Sparte. Connue sous le nom de guerre du Péloponnèse, la lutte entre les deux grandes confédérations dura jusqu’en 404 av. J.-C. et aboutit à la suprématie de Sparte en Grèce. De nombreux combats opposèrent les forces athéniennes aux troupes spartiates : le siège d’Amphipolis, l’expédition de Sicile, qui se solda par la retraite athénienne devant Syracuse (413 av. J.-C.), et la bataille d’Aigos Potamos en 405. La capitulation d’Athènes et la reddition de sa flotte eurent lieu en 404, qui marqua la défaite finale des Athéniens.

À la fin de la guerre, Sparte favorisa le parti aristocratique athénien, qui instaura un régime oligarchique, le gouvernement des Trente Tyrans, pour diriger Athènes. La domination spartiate sur le monde grec se révéla bientôt encore plus sévère et oppressive que celle d’Athènes. En 403 av. J.-C., les Athéniens se révoltèrent sous l’égide de Thrasybule, chassèrent la garnison spartiate qui avait soutenu l’oligarchie, et restaurèrent la démocratie et leur indépendance. D’autres cités grecques se rebellèrent régulièrement contre l’hégémonie de Sparte.

Un ordre bouleversé

En 400 av. J.-C., Sparte envoya une armée, commandée par Agésilas II, en Asie Mineure, contre les Perses. Bien que cette armée remportât quelques victoires, elle fut obligée de revenir en 395 av. J.-C. pour faire face à une coalition regroupant Argos, Athènes, Corinthe et Thèbes. La guerre de Corinthe, qui s’ouvrit alors, fut marquée par la victoire de la coalition à Cnide, en 394 av. J.-C., puis se poursuivit jusqu’en 386 av. J.-C., date à laquelle Sparte imposa la paix d’Antalcidas aux cités, avec l’appui de la Perse, qu’elle avait renoncé à combattre.

Mais Thèbes, soutenue par Athènes, se révolta en 378 av. J.-C. et chassa les Spartiates. Une guerre entre Sparte et Athènes, alliée à Thèbes, éclata et s’acheva avec la bataille de Leuctres, en 371 av. J.-C., où les Thébains, conduits par Épaminondas, écrasèrent leurs ennemis, marquant la fin de la domination spartiate et le déclin de leur puissance militaire.

Thèbes devint alors la cité dominante de la Grèce, mais les autres régions n’acceptèrent pas cette situation. Une nouvelle période de troubles alimentés par les guerres incessantes entre les cités débuta ; au cours de cette période, Athènes retrouva finalement sa souveraineté (360 av. J.-C.). Cependant, ces conflits affaiblirent considérablement les cités grecques et ouvrirent la voie à la domination macédonienne.

La période hellénistique

L’émergence de la Macédoine

Située au nord de la Thessalie, la Macédoine, région prospère et monarchie féodale centralisée, était gouvernée par Philippe II depuis 359 av. J.-C. À la faveur des conflits entre les cités, le souverain macédonien, qui avait doté son royaume d’une puissante armature militaire (système des phalanges), réussit progressivement à imposer son pouvoir. Bientôt maître de la Grèce centrale et de la Thrace, il avait pour objectif d’étendre sa domination sur toute la péninsule. Face à lui, Athènes, sous la conduite de Démosthène, forma en 341 av. J.-C. une alliance avec, entre autres, l’Eubée, Thèbes, Corinthe et Mégare, mais il était déjà trop tard. En 338 av. J.-C., les coalisés défaits à Chéronée durent reconnaître la suprématie de la Macédoine dans la péninsule et furent contraints de s’unir sous son égide ; Philippe de Macédoine prit alors le titre d’hégémon.

La ligue de Corinthe, qui rassembla les cités grecques à partir de 337 av. J.-C., avait notamment pour but de préparer la campagne militaire que Philippe entendait lancer en direction de l’Asie. Après l’assassinat de Philippe II, en 336 av. J.-C., à la veille de son expédition, son fils Alexandre, alors âgé de vingt ans, lui succéda.

Les destinées de l’empire macédonien

 

 

Bien que le pacte de Corinthe eut été reconduit, certaines cités tentèrent de se rebeller contre l’autorité macédonienne, ainsi en 323-322 av. J.-C., lors de la guerre lamiaque. Alexandre mena une répression impitoyable, détruisant entièrement Thèbes. Le souverain macédonien confia le gouvernement d’Athènes au général Antipatros, qui réforma la Constitution et mit un terme à la démocratie. Celle-ci fut cependant restaurée en 307 avec Démétrios Poliorcète.

À partir de 334 av. J.-C., Alexandre décida de poursuivre la politique d’expansion initiée par son père. Il se lança à la conquête de la Perse et en une dizaine d’années constitua un immense empire, de l’Adriatique à l’Indus, contribuant par là même à répandre la civilisation et la langue grecques. De nouveaux centres culturels apparurent à Alexandrie et à Pergame ; dans le domaine religieux, le mélange de la religion grecque et des cultes orientaux aboutit à un syncrétisme.

À sa mort, en 323 av. J.-C., l’empire d’Alexandre le Grand fut divisé entre ses généraux, les diadoques, qui tous allaient donner naissance à des dynasties : les Séleucides en Asie, les Antigonides en Macédoine et les Lagides en Égypte. Les cités grecques tentèrent de profiter des divisions entre les rois macédoniens pour recouvrer leur indépendance. Ainsi, elles rejoignirent des confédérations comme la ligue étolienne (Grèce centrale, Élide, Arcadie) ou la ligue achéenne (groupement organisé autour de Corinthe) ; mais divisées entre elles, les ligues ne purent chasser les Macédoniens, qui restèrent en Grèce jusqu’à la conquête romaine.

La domination romaine

La conquête

En 215 av. J.-C., Rome commença à pénétrer dans les Balkans et à s’immiscer dans les affaires grecques. Philippe V de Macédoine s’allia à Carthage contre Rome, mais les Romains, soutenus par la Ligue étolienne, vainquirent les forces armées macédoniennes en 205 av. J.-C. et s’établirent solidement en Grèce. Rome, aidée par les deux ligues, triompha à nouveau de Philippe à Cynocéphales en 197 av. J.-C. Puis, le successeur de Philippe V, Persée de Macédoine, affronta à nouveau les troupes romaines, qui remportèrent la victoire à Pydna, en 168 av. J.-C. La Macédoine, entièrement assujettie, dut conclure la paix et devint une province romaine en 146 av. J.-C.

Les Romains reconnurent l’autonomie des cités grecques à l’occasion des jeux Isthmiques, organisés en 196 av. J.-C., mais le protectorat qu’ils instaurèrent sur toute la Grèce rendait la souveraineté retrouvée toute théorique et interdisait toute forme d’alliance au sein de confédérations ou de ligues. La domination romaine se traduisit par une occupation militaire et le versement de tributs. En 149 av. J.-C., les Achéens se mobilisèrent une nouvelle fois pour résister à Rome ; en vain : Corinthe fut entièrement détruite par les légions romaines en 146 av. J.-C. ; les ligues furent dissoutes et la Grèce fut intégrée à la province romaine de Macédoine.

L’expansion romaine continuait. En 129 av. J.-C., le royaume de Pergame fut annexé au domaine romain et devint la province d’Asie. Puis Pompée conquit l’Empire séleucide, érigé en province de Syrie en 64 av. J.-C. Enfin, l’Égypte lagide passa également sous contrôle romain en 30 av. J.-C.

Les révoltes et la pacification

Le monde hellénistique fut bientôt entièrement soumis par Rome. En 88 av. J.-C., Mithridate VI Eupator, roi du Pont, entama une campagne militaire visant à libérer l’Asie Mineure et la Grèce de la domination romaine. Il fut soutenu par de nombreuses cités grecques qui espéraient reconquérir leur indépendance. Mais dès 86 av. J.-C., les légions romaines commandées par Sylla le chassèrent hors de Grèce et réprimèrent la rébellion. À l’issue du conflit, la Grèce centrale était complètement ruinée.

Malgré ces tentatives de révolte, les attaques répétées des pirates (entre 78 et 66 av. J.-C.) et les guerres civiles romaines (bataille de Pharsale en 48 av. J.-C.), le IIe et le Iersiècle av. J.-C. se caractérisèrent par une certaine expansion économique, en particulier grâce au développement du commerce maritime, comme à Rhodes. Dans les cités grecques, l’occupation romaine eut pour conséquence la fin de la démocratie et la venue au pouvoir des oligarchies ; ainsi, à Athènes, à partir de 102-101 av. J.-C.

Réorganisée par Auguste en 22 av. J.-C., la Grèce fut en grande partie intégrée dans la province d’Achaïe, administrée par le proconsul de Corinthe, séparée de la Macédoine, à laquelle fut rattachée la Thessalie, tandis que l’Épire était confiée à un procurateur. Les bienfaits de la pax romana se firent sentir en Grèce, véritable modèle intellectuel et artistique pour les Romains : des empereurs comme Hadrien (117-138) ou Marc Aurèle (161-180) furent particulièrement influencés par la culture grecque et attachés à faire prospérer Athènes mais leurs efforts furent insuffisants. La vieille cité qui subissait, depuis la fin du IIe siècle, la concurrence des villes d’Asie Mineure fut ravagée par les Goths en 267 ; puis la progression du christianisme constitua une menace directe pour la prépondérance de l’hellénisme : l’interdiction du paganisme en 381 et la tenue des derniers jeux Olympiques en 395 signifiaient la fin du monde antique.

La Grèce byzantine

Après le partage de l’Empire romain (395), la Grèce fut intégrée à l’Empire romain d’Orient. L’histoire du pays et de la zone égéenne devait alors se confondre avec celle de l’Empire byzantin, marqué par un mélange de culture hellénique, d’influences orientales et de christianisme. Malgré le poids de Byzance, les Grecs restèrent prépondérants dans l’administration, et la langue grecque demeurait la langue de culture. Avec Héraclius Ier, l’influence hellénique se manifesta par le titre de basileus autocrator adopté par l’empereur.

Attachée à la tradition païenne jusqu’à la fermeture des écoles philosophiques d’Athènes par Justinien Ier en 529, la Grèce se trouva mêlée aux querelles théologiques qui déchirèrent l’Empire, comme le monophysisme (Ve-VIe siècles) ou l’iconoclasme (VIIIe-IXe siècles), hérésie qui devait laisser à la religion orthodoxe, adoptée après le schisme de 1054, la ferveur des icônes.

Le territoire grec ne fut pas à l’abri des incursions étrangères, qui contribuèrent à son appauvrissement et à son repli : du VIe au VIIIe siècle, les Wisigoths, les Ostrogoths, les Huns, puis les Slaves et les Avars entrèrent massivement dans la péninsule, occupant l’Illyrie, la Macédoine et la Thrace ; les Arabes prirent Chypre (649), Rhodes (654), la Crète (826), puis Thessalonique (904) ; les Bulgares, battus par Basile II en 996, s’avancèrent jusqu’en Thessalie ; les Normands, arrivés en Épire à la fin du XIe siècle, ravagèrent l’Attique et l’Eubée.

Les croisades

Alors que les croisades étaient destinées, à l’origine, à venir en aide aux Byzantins dans leur lutte contre les Infidèles en Terre sainte, la quatrième croisade, en 1204, fut détournée vers Constantinople. La ville fut saccagée et l’Empire byzantin s’effondra sous le coup des attaques franques : un Empire latin de Constantinople, confié à Baudouin de Flandre, fut instauré ; la péninsule hellénique, divisée en territoires, dont les plus importants étaient le duché d’Athènes et le royaume de Thessalonique ; l’Empire byzantin, réduit au despotat d’Épire et aux petits empires de Trébizonde et de Nicée. En récompense de sa participation à la quatrième croisade, la république de Venise, toujours soucieuse d’obtenir des bases commerciales, se vit attribuer une partie de la Thrace, le Péloponnèse, les îles Ioniennes et égéennes et la Crète.

La Grèce ottomane

L’émergence des Ottomans

Les Byzantins tentèrent à plusieurs reprises de reconquérir leurs territoires : Michel VIII Paléologue réinvestit Constantinople en 1261, puis l’Empire se rétablit dans le Péloponnèse et institua le despotat de Morée, à Mistra en 1348. Cependant, les Turcs, déjà présents en Asie Mineure depuis le XIe siècle, s’emparèrent de Constantinople en 1453. Le sultan Mehmet II lança ensuite ses armées en direction du Péloponnèse et de l’Attique : dès 1460, l’ensemble de la Grèce, à l’exception des îles Ioniennes — possessions vénitiennes — et de quelques poches de résistance comme Rhodes (1522), Chypre (1571) ou la Crète (1699), était sous le contrôle de l’Empire ottoman. Cette expansion favorisa l’idée de reconstitution d’une « nation » orthodoxe, que l’Église appelait de ses vœux.

Pendant une courte période (1699-1718), Venise reprit le contrôle du Péloponnèse, mais la Grèce allait rester sous la domination des Ottomans jusqu’au XIXe siècle.

Une province favorisée

Comme dans l’ensemble des Balkans, les Turcs furent plutôt bien accueillis en Grèce. Les paysans, opprimés par les propriétaires fonciers, ainsi que l’Église orthodoxe, maintenue dans ses privilèges, se rallièrent sans difficulté à l’Empire ottoman. De surcroît, les sultans accordèrent une place privilégiée aux Grecs parmi les peuples de l’Empire, respectant à la fois l’héritage hellénique et la religion orthodoxe. Le nombre important de conversions à l’islam n’était pas le fruit d’une politique autoritaire, mais plutôt le résultat d’une tolérance religieuse et du mélange des influences.

En outre, en frappant de lourdes taxes le commerce latin, les Turcs s’allièrent la bourgeoisie marchande grecque, qui, au XVIIIe siècle, contrôlait 75 p. 100 du commerce du Levant. Dès le XVIIe siècle, une aristocratie nouvelle était formée, au moins à Istanbul (ancienne cité de Constantinople) : les Phanariotes, issus des rescapés de l’ancienne nobilitas byzantine et proches de l’Église orthodoxe, ainsi qu’une nouvelle bourgeoisie d’affaires, qui se rassembla autour du poète Konstantinos Rhigas (dit Vélestinlis), à l’origine de la fondation de la société patriotique de l’Hétairie. Le système, relativement équilibré, fonctionna pendant deux siècles en dépit des soulèvements qui se produisirent périodiquement.

Il fut pourtant remis en cause, au XVIIIe siècle, par le recul de l’Empire ottoman dans les Balkans, l’émergence d’un rival ambitieux, la Russie orthodoxe, et l’apparition d’une noblesse ottomane musulmane, foncière et militaire, qui contesta le pouvoir central, brisant l’équilibre acquis. Sipahis et janissaires déclassés, notables provinciaux, grands propriétaires fonciers accentuèrent leur emprise sur la terre et sur les hommes, menaçant tous ceux, Grecs et Arméniens, qui avaient profité du centralisme ottoman.

L’émergence du nationalisme

Parallèle aux débuts de la décadence ottomane, la montée du sentiment national grec fut fortement encouragée par la Russie, attachée à défendre le sort des frères orthodoxes mais surtout à contrer les Turcs dans les Balkans et à s’ouvrir la route des Détroits. En 1770, pour le compte de Catherine II, le comte Orlov fit débarquer une flotte russe dans le Péloponnèse et soutint une révolte contre les Turcs qui s’avéra infructueuse. Une seconde insurrection éclata en 1786 : provoquée par les Souliotes d’Épire et d’Albanie du Sud et à nouveau soutenue par la Russie.

Plus tard, la Révolution française marqua fortement les patriotes grecs. La Société amicale, puissante société secrète fondée en 1814, réunit des fonds et des armes en vue d’une révolution à venir. En 1821, Alexandre Ypsilanti, ancien aide de camp du tsar Alexandre Ier et chef de la Filiki Etéria, ou Hétairie amicale, véritable organisation politique, entra dans Jassy (l’actuelle Iasi), la capitale de la Moldavie (alors territoire turc), avec une petite force armée et proclama l’indépendance de la Grèce. La révolte se solda par un désastre quelques mois plus tard, car le tsar refusa d’aider le mouvement révolutionnaire, qui, par son aspect purement hellénique, ne réussit pas à mobiliser les populations non grecques. Ypsilanti tenta de fomenter une autre rébellion en Roumanie, en soutenant les chrétiens orthodoxes contre les Turcs, mais là encore, sa tentative échoua. Puis le 25 mars 1821, un soulèvement général eut lieu dans le Péloponnèse, sous l’égide du métropolite de Patras, Germanos : l’indépendance grecque était en marche.

La guerre d’indépendance

La première phase

La cause grecque enthousiasma les Occidentaux, qui se mobilisèrent au sein de comités philhellènes pour récolter des fonds (Chateaubriand, Lamartine, Hugo, Delacroix, etc.) ou participèrent personnellement aux combats (lord Byron, mort à Missolonghi en 1824, le colonel Fabvier, etc.), mais les patriotes grecs furent bien seuls durant les premières années de leur combat.

Les hommes de Théodore Colocotronis, d’Andréas Vokos Miaoulis ou de Markos Botzaris obtinrent néanmoins de nombreux succès militaires contre les Turcs, sur terre comme en mer. Dès le début de l’année 1822, le Péloponnèse était reconquis, et le 12 janvier, un congrès national présidé par Alexandros Mavrocordatos proclamait à Épidaure l’indépendance de la Grèce. Cependant, les Turcs ne tardèrent pas à se ressaisir, et après une première victoire en février 1822, ils perpétrèrent des massacres (comme ceux de Chios, en avril 1822, immortalisés par Delacroix) qui contribuèrent à rallier la communauté internationale à la cause des insurgés.

En 1824, le sultan Mahmud II demanda de l’aide au vice-roi d’Égypte, son puissant vassal, qui accepta d’envoyer des hommes en échange du contrôle de la Crète. Les troupes égyptiennes de Méhémet Ali, dirigées par son fils Ibrahim Pacha, débarquèrent dans le Péloponnèse en février 1825 , prirent la Morée, Missolonghi et Athènes (1827). Affaibli militairement, divisé politiquement, le camp grec, qui comptait déjà 200 000 morts, finit par trouver une solution de conciliation en élisant Jean Capo d’Istria à la tête du gouvernement provisoire grec, en avril 1827.

L’intervention des puissances étrangères

Après de multiples tergiversations autour de la question d’Orient, les gouvernements de la France, du Royaume-Uni et de la Russie proposèrent enfin d’offrir leur médiation en 1827. La Turquie écarta toute proposition, rejetant catégoriquement la possibilité de reconnaître l’indépendance de la Grèce. Les Européens décidèrent alors d’intervenir militairement : la force navale envoyée en Grèce coula la flotte turque lors de la bataille de Navarin (octobre 1827), puis le Péloponnèse fut reconquis.

Le 14 septembre 1829, les Turcs furent contraints d’accepter le traité d’Andrinople, qui accordait à la Grèce son indépendance. En 1830, le protocole de Londres confirma l’existence d’un État grec indépendant placé sous la protection des puissances alliées ; cet accord fut reconnu par la Turquie en 1832, par le traité de Constantinople. Le territoire du royaume incluait le Péloponnèse, l’Attique, l’Eubée et les Cyclades ; en revanche, la Thessalie, l’Épire, la Macédoine, la Thrace, la Crète restaient sous contrôle ottoman.

Le royaume de Grèce

Les princes étrangers

Les premières années de l’indépendance se révélèrent difficiles ; la division de la classe politique, scindée en factions appuyées par les différentes puissances étrangères, la question de la terre, aux mains d’une oligarchie, la déception générale face à un territoire grec réduit furent parmi les problèmes que dut affronter Capo d’Istria, à la tête d’un gouvernement autoritaire basé à Nauplie. Son assassinat, en 1831, déclencha une guerre civile qui s’acheva l’année suivante avec l’arrivée sur le trône d’Othon de Bavière (Othon Ier), soutenu par les Européens.

La venue au pouvoir de ce prince étranger, appuyé par la Russie, autoritaire et entouré d’une bureaucratie de langue allemande, exacerba les mécontentements. En septembre 1843, un coup d’État l’amena à accorder une constitution au pays (1844) ; pourtant, l’institution d’une Chambre des députés élue au suffrage censitaire et d’un Sénat nommé par l’État, semblants de vie parlementaire, ne furent en rien des progrès vers une libéralisation du régime. Les relations avec l’Empire ottoman demeuraient conflictuelles et s’inscrivaient dans le contexte de la guerre de Crimée (1853-1856).

En octobre 1862, la garnison de Nauplie se souleva contre Othon, qui fut destitué, avec le soutien des Britanniques, particulièrement inquiets de la prépondérance russe en Grèce. Ces derniers, soucieux d’asseoir leur position en Méditerranée, poussèrent le prince Guillaume de Danemark sur le trône ; en 1863, il devint roi de Grèce sous le nom de Georges Ier. La Grande-Bretagne céda alors les îles Ioniennes, sous son contrôle depuis 1815, à la nouvelle monarchie. En 1864, une nouvelle Constitution plus démocratique fut mise en place, établissant le suffrage universel, accordant le droit de vote aux hommes et instituant un pouvoir législatif unicaméral, permettant la normalisation de la vie politique du pays.

L’union de tous les Grecs

La politique extérieure du royaume ne cessa d’être guidée par la volonté de rassembler tous les Grecs, aux dépens de la Turquie. Le rattachement de la Thessalie, en 1881, fit suite à la guerre russo-turque de 1877-1878, et la question de la Macédoine et de la Crète, toujours aux mains des Turcs, se posa avec une plus grande acuité. La Grèce encouragea alors la révolte des Crétois, en 1896, mais la guerre qui éclata quelques mois plus tard avec la Turquie, fut vite un désastre pour Athènes, qui dut, au terme du conflit, verser à son ennemi une importante indemnité. Tandis que la Crète devenait autonome au sein de l’Empire ottoman, la situation financière de la Grèce se fragilisait, ce qui renforçait encore les possibilités d’ingérence des pays européens dans ses affaires intérieures.

Pourtant, en 1898, sous la pression de nouvelles révoltes, la Turquie fut contrainte de retirer toutes ses forces armées de Crète, et le prince Georges (1869-1957), deuxième fils de Georges Ier, fut nommé au poste de haut commissaire. Les Européens n’autorisaient cependant pas l’union de l’île avec la Grèce, et pendant les dix années suivantes, l’île fut secouée par des conflits internes. En 1905, le député crétois Éleuthérios Venizélos, favorable au rattachement, prit la tête d’une insurrection qui s’acheva par la démission du prince Georges en 1906. Deux ans plus tard, l’Assemblée crétoise proclama l’union tant attendue et, en 1912, des représentants crétois siégèrent pour la première fois au Parlement grec.

Les guerres balkaniques

Dans les Balkans, la montée du nationalisme, en particulier en Serbie, en Bulgarie et en Roumanie, trouva un terrain favorable dans la désagrégation progressive de l’Empire ottoman. Au moins unis par leur antagonisme commun à l’égard de la Turquie, ces jeunes États entretenaient des relations pacifiques. En 1912, la Grèce adhéra avec la Serbie, la Bulgarie et le Monténégro à l’Entente balkanique, qui déclara la guerre à la Turquie. Cette première guerre des Balkans (octobre 1912-mai 1913) fut un véritable désastre pour les Turcs, qui durent, aux termes du traité de Londres, abandonner toutes leurs revendications sur la Crète et sur les îles de la mer Égée, ainsi que sur les territoires situés sur le continent européen, à l’exception de la région d’Istanbul.

Les dissensions entre les membres de l’Entente balkanique débouchèrent sur la seconde guerre des Balkans, dans laquelle la Grèce et la Serbie combattirent la Bulgarie, vaincue au bout d’un mois. En 1913, le traité de Bucarest permettait à la Grèce de doubler son territoire et sa population grâce au rattachement de la Macédoine, y compris Salonique et Kavalla.

La Première Guerre mondiale et ses conséquences

Lorsque le conflit mondial éclata, la Grèce proclama sa neutralité. Une neutralité stricte était toutefois impossible. Favorable à l’Allemagne, Constantin Ier, fils et successeur de Georges Ier depuis mars 1913, rencontra bientôt l’opposition du Premier ministre Venizélos, chef du Parti libéral et favorable aux Alliés. En 1915, son gouvernement chercha à deux reprises à soutenir ouvertement les Alliés, mais le roi, qui refusait tout engagement, mit son veto. Révoqué en 1916, Venizélos fonda à Salonique un gouvernement insurrectionnel qui fut reconnu par le Royaume-Uni et la France. C’est en 1917 que les Alliés obligèrent le roi à abdiquer en faveur de son deuxième fils, Alexandre, et que la Grèce put faire son entrée officielle dans la guerre aux côtés de la Triple-Entente dès le mois de juin En contrepartie de son engagement, les traités de Neuilly (1919) et de Sèvres (1920) attribuèrent à la Grèce la Thrace, le territoire de Smyrne et de nombreuses îles égéennes.

Après la mort d’Alexandre Ier et l’échec de Venizélos aux élections de 1920, un plébiscite rappela le roi Constantin, malgré la désapprobation des Alliés, qui retirèrent leur soutien aux Grecs, alors engagés dans une offensive en Anatolie. En effet, les traités de paix qui avaient mis fin à la Première Guerre mondiale furent dénoncés par la Turquie de Mustafa Kemal Atatürk, et de nouveaux affrontements opposèrent les troupes turques à l’armée grecque.

Après la défaite de la Crète en 1922 face à l’armée turque, une dictature militaire, sous l’égide du général Nikolaos Plastiras, partisan de Venizélos, obligea Constantin à abdiquer. Son fils aîné, Georges II, souverain fantoche aux mains de l’armée, lui succéda en octobre 1922. Les victoires éclatantes des Turcs contraignirent les Grecs à signer, en 1923, le traité de Lausanne : Smyrne et la Thrace orientale furent rendues à la Turquie, et près d’un million et demi de Grecs d’Asie Mineure furent échangés avec les minorités turques de Grèce. Cet épisode, resté dans la mémoire collective des Grecs comme la « Grande Catastrophe », ne fut pas sans répercussion sur la situation économique déjà fragile du pays.